PORTRAIT EXCLUSIF : ‘’Maestro’’ Kèlètigui TRAORE par JB.WILLIAMS

Voici, comme jamais racontée, la grande histoire du musicien-arrangeur-chef d’orchestre, Kèlètigui Traoré, écrite par le journaliste culturel de talent, Jean-Baptiste Williams, avec une plume alerte confortée par des informations inédites. GuineeConakry.Info est heureux, en site de référence, d’offrir, à l’occasion du sixième anniversaire du décès du plus énigmatique des chefs d’orchestre guinéens, cette notice biographique d’excellence, sertie des mots justes pour décrire un artiste dont la rigueur professionnelle était connue et admirée de tous. Exclusif ! JMJ.

Naissance : mai 1934

Décédé : le 11 novembre 2008 à l’âge de 74 ans

Carrière musicale : 60 ans de pratique (1948-2008) 

En 1934, Kélétigui TRAORE me confiera qu’il a commencé à tâtonner en musique dès 1948, avant de se retrouver en 1950, dans l’orchestre d’un Ivoirien,  Baro (fonctionnaire au trésor de Conakry). C’est après qu’il va parfaire son apprentissage et appartenir à l’orchestre de Gadirou CAMARA à Kindia en qualité de guitariste, jusqu’en 1953, année à laquelle il va intégrer La ‘’Joviale Symphonie’’ dirigée à cette époque par M. Ibou DIALLO, pour se retrouver comme premier musicien  africain dans l’orchestre de l’Hôtel de France, dirigé par Réné BERTRAND. Avec ce groupe il évoluera jusqu’en 1956. C’est durant cette période que le saxophoniste français Marcel BIANCI lui donnera les rudiments de l’instrument, tandis que le chef d’orchestre l’initie sérieusement à la théorie musicale, au point que l’élève Kèlètigui TRAORE est en mesure de remplacer le maître après son départ !

Ses économies vont lui permettre de s’acheter son premier saxophone à 15.000 francs CFA. Il va rester dans les rouages de l’Hôtel de France, de la Plage Peronne et de la Pigalle, où il dira, avoir passé des moments de bonheur en compagnie de cet orchestre d’Européens, au point de pouvoir racheter tous les instruments de musique grâce à son épargne personnelle ! 

Le contrat arrivé à son terme avec l’Hôtel de France en 1956, Kèlètigui TRAORE crée son propre orchestre que KANE Zator, saxo alto baptisera Le ‘’Harlem Jazz’’, composé de musiciens comme, Joseph BANGOURA (batterie), Jacques YOUNG (trompette), Sèkhou TOLO dit Hangua, THIAM Amadou tumba), Mamadou DI, son neveu et Gros FOF qui vivait à Fria. Le Harlem Jazz sera programmé tous les samedis à la Maison des Jeunes (près de Syli Cinéma, actuel CCFG) de 1956 à 1959 ; et était sollicité pour animer les vins d’honneur pour tous les amis sans contrepartie.

A la création  de la JRDA en mars 1959, la direction nationale du parti (PDG) inspirée  par son Secrétaire général le camarade Sékou   TOURE, décide de dissoudre tous les orchestres privés existants et invite au  regroupement  des meilleurs talents du pays, au sein du premier orchestre national, le ‘’Syli Orchestre’’.

Dirigé par Kanfory BANGOURA et Kanfory SANOUSSY, Kélétigui TRAORE, Raymond MALO, Christophe BOSSART, Léonard CAMARA, Kerfala DIABATE ‘’Grand Papa’’, Guèye Mamadou ‘’Mon Grand’’, Balla ONIVOGUI, PIVI Moriba, Honoré COPPET, DIAGNE Ahmed ‘’Doudou’’, Soriba ‘’Remeter’’ CAMARA, Momo ‘’Wandel’’ SOUMAH,  Souleymane SYLLA, Angeline DAFFE, Fatou ‘’Tökhödi’’ , Alex, Blaise, Makalé,  sont les premiers appelés dans le Syli Orchestre qui enregistrera un nombre pléthorique de musiciens au fil du temps. Deux années après, le Syli Orchestre est scindé en deux groupes de musiciens. Kèletigui  est du groupe qui sera basé au ‘’Climat de Guinée’’ (actuel Jardin de Guinée) où il deviendra le 2ème chef d’orchestre après Mamadi KOUROUMA.

Après avoir participé aux Jeux de l’amitié en 1963 à Dakar, par incompatibilité d’humeur entre lui et le gérant DIALLO  Boubacar dit ‘’DIALLO Bankos’’, Kèlètigui TRAORE abandonne l’orchestre du Jardin de Guinée dont la direction sera désormais confié à Papa DIABATE et par la suite à Balla ONIVOGUI.

Les précieux services de Kèlètigui TRAORE seront  à nouveau sollicités par le Ministère de la jeunesse et des Arts qui mettra des instruments de musique à sa disposition et l’installera au bar ‘’La Bonne Auberge’’ où il sera rejoint par ses fidèles compagnons Linké CONDE, Bignet DOUMBOUYA, Kaba SYLLA ‘’JK’’, Djigui TOURE, M’Bemba, LAVILE David CAMARA et Durango.

L’aventure de la Bonne Auberge s’arrêtera vers la fin de l’année 1963, début 1964. L’orchestre de la Paillote sous la direction de Souleymane SYLLA, vient de se disloquer, le Directeur des Arts Mr Mamadi CONDE ‘’Kozikol’’ demande et accepte l’intégration de Manfila  Dabadou KANTE et de Kerfala  CAMARA au sein de l’orchestre de La Bonne Auberge,  puis ordonne le transfert de l’orchestre à la Paillote. Les huit musiciens cités plus haut décident de confier la direction de l’orchestre de la Paillote à Kèlètigui TRAORE, qui va être renforcé par l’arrivée de Momo ‘’Wandel’’  SOUMAH au saxo alto et de Sékou CONDE guitare médium.

Au cours de la même année, les deux orchestres nationaux enregistrent leurs premiers disques vinyles, orchestre Paillote, Orchestre Jardin de Guinée (SLP1, SLP2, SLP3), après la sortie de ces disques le très inspiré Directeur des Arts Mamadi CONDE ‘’Kozikol’’, pour une meilleure visibilité, décide de rebaptiser les deux ensembles  qui prendront désormais les noms de leurs chefs d’orchestre respectifs. Kèlètigui  pour celui de la Paillote et Balla pour celui du Jardin de Guinée.

Le Maestro Kèlètigui TRAORE et ses Tambourinis sont désormais partis pour la consécration internationale. Le répertoire est des plus élaborés et la musique de variétés n’a aucun secret pour cet orchestre qui va désormais séduire les mélomanes d’Afrique, d’Europe de l’Est et ceux de l’Asie. Tous les artistes étrangers en visite en Guinée sont accompagnés avec brio par Kèlètigui et ses Tambourinis (Joséphine BAKER en 1964, Franklin Boukaka, Vicky BLIND en 1969, Jimmy HYACINTHE, François LOUGAH, Aîcha KONE, Dianka DIABATE au cours des années 1980.

Son expérience avec Sory Kandia KOUYATE, le mezzo-soprano africain en 1970, se solde par un disque d’or décerné par l’académie Charles CROS. Suivront des tournées mémorables de l’orchestre dirigé par Kélétigui TRAORE, en  Afrique de l’Ouest et du  centre,  toujours en apothéose avec Sory Kandia KOUYATE, la ‘’Voix de l’Afrique’’. Cette rencontre originale qui prendra 7 années (1970-1977), est fixée sur deux disques vinyle (33 tours) du  label Syliphone.

Kèlètigui TRAORE, en plus de ses qualités de guitariste, chanteur, saxophoniste, flûtiste, organiste, aura le mérite d’intégrer pour la première fois, le balafon dans la musique moderne guinéenne en 1967. Il  initie pour la première fois en Afrique un genre musical, un concert musical  en long-playing, intitulé ‘’Soundiata’’  en mars 1968 à Labé, en présence des chefs d’état Lépold Sédar SENGHOR du Sénégal, Modibo KEITA du Mali, Mouctar Ould DADA de la Mauritanie et  Ahmed Sékou TOURE de la Guinée.

L’histoire narrée par Manfila KANTE soutenue et harmonisée par l’orchestre Kèlètigui est originale et dure pendant 65mn. Le président malien Modibo KEITA séduit par l’interprétation de ce chef-d’œuvre, ne s’empêche pas d’offrir séance tenante sa montre au chanteur Manfila Dabadou KANTE,  et Kèlètigui TRAORE le chef d’orchestre sera  à son tour honoré d’une offre pareille, cette fois ci, du président Ahmed Sékou TOURE en mains propres !

Kèlètigui TRAORE ‘’Le Maestro’’ aura  aussi été le chef du Syli Orchestre (version 1er festival panafricain d’Alger 1969) dont la touche et les arrangements ont permis de hisser la musique guinéenne sur le toit de l’Afrique. Et il en fut ainsi pour les festivals de Tunis, de Berlin, de Moscou, de Cuba et que sais-je encore !

Comme vous pouvez l’observer, je suis de ceux qui signent que  Kèlètigui TRAORE, pour avoir été à son école, pourrait être classé dans la loge des barons de la musique guinéenne. Serein, methodique et rigoureux, il aura de son empreinte et de par la sonorité particulière de son saxophone ténor, imprimé un style d’orchestration qui fait école désormais. Car Kèlètigui TRAORE, c’est 60 années de pratique musicale accomplie  qu’il aura partagée avec les siens, de son vivant et bien après sa disparition physique le 11 novembre 2008.

A  un de mes constats attestant que les titres de l’orchestre des Tambourinis, ne prenaient aucune ride par rapport à l’usure du temps, Kèlètigui TRAORE dans une de mes émissions radio en 1988 répondait, citation :

« Dans nos compositions, on améliore constamment  le support musical. Je construis les phrases musicales de la section des vents avant d’insérer les breaks (arrêts) et les reprises. Tout est mis autour de la chanson pour donner une certaine valeur musicale moderne. C’est de cette manière que j’ai organisé les différentes architectures musicales qui ont hissé notre orchestre parmi les plus grands de l’Afrique. Le travail était fait avec beaucoup de bonne foi on ne trichait pas. Dans l’esprit on travaillait franchement. Alors les chansons étaient sérieusement élaborées raison pour la quelle, elles ne peuvent être enterré de si tôt ». Fin de citation.

Dors en paix El Maestro !

Jean Baptiste WILLIAMS pour GCI

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